Le référendum du 23 octobre 1955 sanctionna un net refus du statut ^[2]  qui ne pouvait guère être interprété autrement que comme un vote en faveur de l'Allemagne. Le Traité de Luxembourg du 27 octobre 1956, qui fonde l'intégration politique de la Sarre comme Land de la République fédérale d'Allemagne, le 1er janvier 1957, scelle l'entente entre cette dernière et la France. De vastes dispositions économiques et financières, qui ont principalement pour objet de préserver les intérêts que la France porte aux gisements houillers sarrois, et englobent une réglementation détaillée sur la poursuite de relations économiques particulières, permettent l'intégration économique de la Sarre, le 6 juillet 1959. Mais ces étapes sont bien plus qu'un simple jalon dans l'histoire mouvementée de la Sarre entre l'Allemagne et la France. 

 En dépit des difficultés rencontrées au cours du processus de rapprochement sur le parquet diplomatique, et des passions qui générèrent en particulier le discours nationaliste durant la bataille électorale, la question de la Sarre a cessé au milieu du XXe siècle d'être une source de conflit ^[3]  entre Allemands et Français. Pour la politique internationale, axée depuis longtemps sur de tout autres objectifs, la question de la Sarre constituait un obstacle importun; au niveau régional, elle continuait certes à faire l'objet de positions bien affirmées, mais n'exerçait plus cette force de ralliement, dans le sens d'une démarcation par rapport à la France, ou d'un rattachement à l'Allemagne. Après près d'un siècle et demi, la question de la Sarre cesse donc d'être un phénomène historique avec le rattachement de la Sarre à la RFA. 

Par contre, l'orientation européenne de la politique sarroise n'a pas pris fin avec le rattachement de la Sarre à l'Allemagne, comme on l'avait craint au départ. Tout au contraire, l'idée de l'Europe a même encore gagné en importance, dans sa dimension politique régionale, après le règlement de la question de la Sarre. A partir des années soixante, la vision d'une coopération interrégionale  ^[5] servant à surmonter des problèmes économiques tout à fait semblables des deux côtés de la frontière franco-allemande prit de plus en plus de poids. Parallèlement à la poursuite pratiquement ininterrompue de la coopération dans le secteur de l'industrie de l'acier, de premières démarches furent également amorcées sous forme de projets dans le domaine de l'économie énergétique. A partir du milieu des années soixante vinrent s'y ajouter des projets dans le domaine des transports et de la viabilisation des sols, et la coopération transrégionale fut renforcée en matière de politique d'aménagement. L'idée clé de la coopération transrégionale dans l'espace frontalier Sarre-Lorraine-Luxembourg, à savoir celui de la Grande Région "Saar-Lor-Lux", s'est concrétisée pour la première fois en 1968 (sur les relations économiques dans l'espace frontalier Sarre-Lorraine, cf. Schulz & Dörrenbächer ^[6] .)

 De par son objet, la question de la Sarre s'est toujours rapportée à un territoire vu comme géographiquement délimitable. Ce territoire a souvent été défini, à partir de son centre - par ex. la ville de Sarrebruck -, selon certains caractères spécifiques - comme ceux du secteur dominant de l'industrie lourde - ou, à l'intérieur de frontières changeantes, selon son extension géographique. Ceci indique que la question de la Sarre doit toujours être aussi interprétée dans ses répercussions régionales. 

Le débat conflictuel sur l'appartenance nationale a marqué les structures socio-économiques et politiques de la Sarre, et pose, dans une perspective historique, la question des points communs et des lignes de démarcation entre l'histoire de la Sarre et celle de ses voisins de l'espace frontalier franco-allemand, qui ont eux aussi fait l'objet de nombreuses rivalités. Mais la question de la Sarre et les changements d'appartenance nationale qui en ont résulté ont aussi influencé le processus d'intégration nationale de la région et de sa population. La science historique s'intéresse en particulier aux relations entre l'affirmation de l'appartenance nationale, la démocratisation et l'autodétermination régionale. L'histoire joue ce faisant un rôle particulier: le combat pour la Sarre a toujours été aussi un combat pour la "juste" interprétation de son histoire; au fil du temps et au gré des diverses positions sur la question de la Sarre et des forces politiques au pouvoir, on a décidé des événements historiques dignes d'être commémorés et des enseignements qu'il convenait de tirer du passé. L'étude de l'histoire de la question de la Sarre passe donc toujours aussi par l'analyse du rôle de l'historiographie et de la mémoire collective.