French
German
 
Ajouter au carnet
'Thèse 5'
 
1 page(s) dans le carnet
 
 
 
 
 

Vous êtes ici: Deuframat > ... > 1968 et ses conséquences > Mai 68 en France > Thèse 5

Thèse 5

La crise politique s'aggrave en raison des répercussions non voulues des stratégies d'action antagonistes du Premier ministre, Georges Pompidou [1] , et du président de la République, Charles de Gaulle [2] , qui s'entravent mutuellement, à savoir: la stratégie de Pompidou, orientée vers la pacification, la dépolitisation et l'institutionnalisation des conflits sociaux, et celle du Général de Gaulle, axée sur la mobilisation, la politisation et la caution du pouvoir politique par le plébiscite.

Les instances étatiques peuvent schématiquement réagir de deux façons aux mouvements sociaux: par la tolérance ou par la répression. La stratégie de tolérance implique la reconnaissance des revendications du mouvement et la disposition à faire des concessions, avant tout par rapport aux groupes les plus modérés du mouvement social, l'acceptation du dialogue et de la négociation. La stratégie de répression repose sur le refus du mouvement social et de ses revendications, dont le réalisme ou la légitimité sont contestés, sur la défense du statu quo, sur la lutte contre le mouvement, en faisant appel à l'interdiction (d'actions ou d'organisations) ou à l'intervention violente de la force d'État. Dans la réalité, ces deux stratégies peuvent être combinées, ou bien employées à tour de rôle. La démarche des instances étatiques (gouvernement et président de la République) en France, en mai 68, en fournit un exemple. Elle montre comment l'alternance ou l'association de deux stratégies d'action antagonistes génèrent des tensions qui peuvent renforcer la dynamique du mouvement.

En outre, et c'est ce qui aggrave en partie les événements en France, à ces combats internes livrés pour imposer l'une ou l'autre de ces stratégies d'action antagonistes, vient s'ajouter en mai 68, hors du contexte de cette situation conflictuelle, une lutte pour le pouvoir des détenteurs des deux positions politiques les plus importantes du pays, donc du président de la République de Gaulle [3] , et du Premier ministre Pompidou. Le système politique bicéphale de la France, qui repose sur la coopération, est durablement affecté par leur désaccord manifeste au niveau de la stratégie d'action, ainsi que par leurs rivalités personnelles cachées.

Fig. 10

Le Premier ministre Georges Pompidou

Les troubles de mai plongent la France dans la tourmente. L'Assemblée nationale est dissoute le 30 du mois. Georges Pompidou démissionne le 13 juillet suivant, son successeur sera Couve de Murville. Vers la fin de 1968, une tentative d'assassinat politique est orchestrée contre Georges Pompidou. 

Source Internet [4]

La politique d'apaisement et de conciliation par laquelle Georges Pompidou réagit, immédiatement après son retour de Kaboul, aux événements de la nuit des barricades, s'oppose radicalement à la position défendue par de Gaulle, "L'État ne cède pas", qu'elle "ridiculise" ainsi, selon le mot de Raymond Aron [5] . (15) La lutte pour le pouvoir engagée entre Pompidou et de Gaulle s'intensifie dans le contexte du mouvement de grève. Tandis que le Premier ministre mise tout sur les négociations collectives, le président de la République dramatise la question du pouvoir en annonçant un référendum visant à l'assurer de la confiance des Français. Le système politique tout entier est ébranlé. 

Fig. 11

Charles de Gaulle

 

 

 

 

 

 


[6] Source Internet [7]
[8]

La politisation du conflit inévitablement liée à l'annonce du référendum rend difficile le règlement de la crise au niveau socio-économique par la voie de négociations collectives. Elle transpose le mouvement de protestation dans l'arène politique et offre aux détracteurs du régime gaulliste la possibilité de faire déboucher le postulat "Dix ans ça suffit" sur une décision politique. L'échec des accords de Grenelle ainsi que la défaite attendue du président de Gaulle au référendum donne aux partis de l'opposition une chance de réaliser au parlement leur plan de formation d'un "gouvernement provisoire".

_______________________

Notes

(15) R. Aron, Erkenntnis und Verantwortung. Lebenserinnerungen, München, Zürich 1985, 335-336.