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'Les tendances à la laïcisation et leurs conséquences'
 
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Les tendances à la laïcisation et leurs conséquences

La France et l'Allemagne font preuve d'une similitude frappante en ce qui concerne le changement des valeurs le plus facile à observer empiriquement, à savoir la laïcisation des deux sociétés. On peut observer les mêmes développements fondamentaux: le recul des idées chrétiennes, l'influence grandissante d'une conception séculière du monde et l'essor d'idées religieuses assez confuses qui, sous des formes elles-mêmes imprécises, ne sont guère porteuses d'obligations morales. Cette mutation du sentiment religieux et de la conception commune du monde s'accompagne d'une prise de distance considérable par rapport aux institutions cléricales, et d'une opposition interne qu'on a vu s'exprimer lors du mouvement de révolte populaire dans l'Eglise des catholiques allemands, en 1996. Les principales Eglises des deux pays risquent de perdre leur caractère populaire.

Fig. 5

Kirchenaustritte in Deutschland im Zeitraum 1984 - 1993

 

 

 

Source Internet [1]

C'est en Allemagne de l'Est que ce processus de déchristianisation progresse le plus rapidement. En 1990, seuls 32 % des Allemands de l'Est disent d'eux-mêmes qu'ils sont croyants, contre 48 % des Français et 54 % des Allemands de l'Ouest. En France et en Allemagne de l'Ouest, la plus importante poussée de fièvre laïque a commencé au milieu des années soixante, tandis qu'en Allemagne de l'Est, le changement a eu lieu plus tôt, dès les années cinquante, sous la forme d'une laïcisation forcée résultant des attaques de l'Etat contre le culte protestant. Cependant, la déchristianisation de l'Allemagne de l'Est se poursuit aujourd'hui sans l'intervention de l'Etat, comme le montre la proportion de ses habitants se disant croyants qui, de 32 % en 1990, a chuté à 24 % en 1995.

Fig. 6

Religiöse Charakteristika westeuropäischer Länder 1990
(Angaben in Prozent)

Quelle: Y. Lambert: Säkularisierungstendenzen in Deutschland und Frankreich in europäischer Perspektive. In: R. Köcher & J. Schild (Hg.): Wertewandel in Deutschland und Frankreich, Opladen 1998, S. 68.

On associe habituellement la baisse continue des valeurs religieuses à une "décadence générale des mœurs", à une perte des repères moraux ainsi qu'à un épanouissement des mentalités égoïstes et hédonistes aux dépens du sens de la communauté et des valeurs de solidarité. En effet, la cartographie du sentiment religieux, en France comme en Allemagne. souligne l'étroitesse des rapports que celui-ci entretient avec la rigidité des valeurs morales. Cela n'est guère surprenant si l'on considère que de nombreuses institutions et normes morales transitaient par les mains de la religion - il suffit de penser à l"institution du mariage, à l'interdiction du divorce et de l'avortement, au refus de formes de vie hors normes (par exemple les relations homosexuelles) et à la morale sexuelle répressive. Dans des proportions comparables, la régression du pouvoir d'influence de la religion chrétienne sur la société s'est accompagnée dans les deux pays d'un relâchement accru des mœurs et du déploiement d'un véritable libéralisme culturel, caractérisé par sa tolérance vis-à-vis d'une pluralité grandissante de formes et de styles de vie.

Appartenance confessionnelle et absence de confession en Allemagne en 1994

   
Anciens Länder
 
 
Nouveaux Länder
 
Protestants + catholiques  
43%
 
 
30%
 
Sans confession  
10%
 
 
70%
 
Autres religions  
74%
 
 
 
 

Source Internet [2]

Aujourd'hui, même la majorité des croyants français et allemands ne croit plus à l'existence de règles claires et valables pour tous, capables de distinguer le bien et le mal. Une sorte d'éthique au gré des circonstances s'est répandue dans le corps social. Une étude comparative, entre l'Allemagne de l'Est d'un côté, et la France et l'Allemagne de l'Ouest de l'autre, montre cependant que les tendances à la sécularisation peuvent s'accorder au maintien de principes moraux assez stricts. Car en Allemagne de l'Est, malgré une déchristianisation plus avancée, un comportement égoïste et nuisible à l'intérêt public, comme par exemple le fait de frauder le fisc ou de prendre des transports en commun sans titre de transport, etc., suscite une réprobation beaucoup plus ferme qu'en Allemagne de l'Ouest. Encore plus net est le contraste avec la France. On ne peut donc pas impunément mettre sur le même plan la perte du sentiment religieux et l'accroissement d'un individualisme égoïste poursuivant aveuglément ses buts. Cependant, ce dernier aussi est en progression dans les deux pays, surtout parmi les plus jeunes.